Playing with fire de J.L Shen chez &H

 Elle  : reine de lycée déchue, rescapée d’un incendie, déteste son reflet dans le miroir, West et la vie en général.
Lui  : bad boy le plus populaire du campus, addict aux combats clandestins, écrase tous les cœurs sur son passage. 
Depuis que West St. Claire, le mec le plus populaire du campus, a été embauché pour travailler avec elle dans ce minuscule food-truck, Grace a de plus en plus de mal à garder son sang-froid. Car West est dangereux, libre, imprévisible, et son charme magnétique lui rappelle tout ce qu’elle a perdu depuis l’accident. Pire, on dirait qu’il fait exprès de se balader torse nu et de la provoquer pour la pousser à bout… Mais, dans les couloirs de la fac, c’est une tout autre personne et il ne lui adresse même pas la parole. Alors, si elle ne veut pas se brûler les ailes, Grace va devoir rester de glace…

Auteur: J.L Shen

Editeur: &H

Parution:  03 novembre 2021



Dès que j'ai lu le résumé de ce roman, j'ai su qu'il fallait que je le lise. Il y avait un truc qui me parlait, me donnait envie de rencontrer ces personnages. Un sensation de l'ordre de la pulsion.

Je vais commencer cette chronique par le point faible, à mes yeux, de "Playing with fire". Si j'ai une véritable affection pour Grace et West, a de trop nombreuses reprises ils m'ont agacée. Fort de leurs convictions, ils ne se remettaient pas réellement en question. J'avais envie de leur hurler dessus, de leur dire qu'aller ainsi contre son âme et son cœur n'est jamais bon, juste destructeur.  Si cela n'était arrivé qu'à quelques reprises durant ma lecture, je n'aurais pas relevé ce point, mais ça n'a pas été le cas... Et c'est dommage, car je ne suis pas passée loin du coup de cœur.

Grace est une jeune femme qui est passé du camps de "populaire" à celui des "monstres". Il est difficile de se mettre dans sa peau lorsque l'on n'a pas vécu ce type d'histoire ou que l'on n'a pas de handicap. Mais J.L Shen réussi, grâce à sa plume, à nous faire rentrer dans la tête et dans la peau de son héroïne. On comprend ses souffrances, ses doutes, ses peurs, ses freins, ... Toutefois, malgré cette compréhension, on a envie que Grace ne se place pas automatiquement en victime, ne soit pas systématiquement sur la défensive. Elle ne se voit qu'à travers son handicape et en même temps les autres ne la voit qu'ainsi aussi. C'est triste mais réaliste. 

J'ai aimé comment la question du handicap est traité dans ce roman. J.L Shen n'est pas complaisante. Elle met en avant les comportements négatifs et toxiques que l'on peut avoir lorsque l'on souffre d'un handicap, quand ce dernier nous envahi. Mais l'auteur montre aussi que le handicap n'est pas qu'un frein, qu'il est aussi un moteur, mais surtout qu'il ne nous défini pas. West regarde Grace dans sa globalité. Oui il voit les cicatrices mais ce n'est pas cela qu'il lui saute aux yeux quand il la regarde. Il la voit elle, il voit son âme. West fait abstraction du corps. Ou s'en joue. La singularité du corps de Grace devient son charme. C'est une magnifique preuve d'amour, mais surtout d'ouverture d'esprit car West a ce regard dès les premiers chapitres. 

West est un jeune homme sombre et tourmenter. Son passé l'a défini, ou redéfini. Une erreur a fait basculer sa vie. Depuis il est dans l'absence. Il est même étonnant qu'il soit encore en vie. West appelle la mort. Tous ses gestes, ses actes, montrent à quel point vivre lui est insupportable. Il ne croit pas en la rédemption. Il ne croit pas au pardon. Alors il s'enfonce dans l'obscurité. Il ne s'attache pas, n'a pas véritablement d'ami, n'a goût à rien. Il essaie de faire au mieux... même si partir le tente terriblement. Avec ce personnage J.L Shen nous parle de la mélancolie, la "vrai", celle qui vous prend au tripe et ne vous lâche pas. Celle qui vous fait imaginer encore et encore des scénarios suicidaires. Celle qui vous met devant les yeux, furtivement, pendant que vous conduisez l'image de votre voiture contre un arbre. C'est dur à lire. C'est dur d'être spectateur. On saigne avec lui, sa mélancolie nous imprègne.

Là encore l'auteur n'est pas complaisante avec son personnage et la mélancolie. Elle nous montre à quel point on peut se tromper à cause d'un mal être profond, comment on ferme les yeux sur la réalité et les mains tendus. On sent les reproches de J.L Shen envers West. Alors elle le fait évoluer. Ouvrir les yeux. Parler. Grandir. 

Nos deux héros éclosent en parallèle, l'un grâce à l'autre, l'un avec l'autre. C'est simple... Mais c'est beau. 

J.L Shen aborde aussi le sujet de la famille. Que ce soit celle de Grace ou de West, elles sont dysfonctionnnantes. Les problématiques ne sont pas du tout les mêmes mais cela permet de voir à quel point il est difficile de faire "famille". Dans les deux maisons le thème de la mort est présent, envahissant, asphyxiant. On ne connait que tardivement l'histoire de West, toutefois dès les premiers chapitre on comprend que la mort est sa douloureuse compagne. 

West doit affronter le regard de sa famille mais surtout accepter leur vision des évènements. Il met du temps à comprendre que lorsque l'on est parent, même si on dérape par moment, même si on peut rejeter, le lien avec son enfant est là, bien présent. Que le pardon existe, que la fatalité peut être la seule réponse à un évènement tragique.

Grace, elle, doit vivre avec le fantôme d'une mère junkie et une grand-mère s'enfonçant de plus en plus dans la maladie d’Alzheimer. Grace se sent redevable envers la femme qui l'a élevée et ne veut pas la mettre en maison spécialisée. Mais jusqu'à quel point doit-on s'oublier pour l'autre? Est-ce son rôle? Ce roman soulève de nombreuses questions sur l'accompagnement des personnes âgées dépendantes et sur l'épuisement des aidants. Je ne travaille plus dans une unité de soin avec des personnages âgées toutefois je me souviens parfaitement du nombre de fois où j'ai du expliqué à des familles que mettre son parent en EHPAD n'est pas l'abandonner, n'est pas lui "cracher à la figure" après tout ce qu'il a fait pour nous, que prendre des vacances n'est pas se soustraire à son devoir d'enfant/ conjoint. Être aidant est épuisant, surtout sur ce type de pathologie. Grace a un courage fou de se lever jour après jour et de continuer à s'occuper ainsi de sa grand-mère et en même temps, l'Assistante Sociale qui est en moi hurle de la voir se fanée sous la charge. L'intervention de West dans cette famille est sublime. Le jeune homme prend ses marques rapidement et agit avec bienveillance, calme et intelligence. Les passages où il intervient m'ont énormément touchés. J'ai vraiment aimé que J.L Shen aborde ce sujet encore bien trop tabou. 

Je soulignerai que l'auteur parle avec justesse de la maladie d’Alzheimer, des moments de lucidité, puis d'oubli, voir d'agressivité. Elle a su trouver les mots pour nous transmettre la douleur qu'est la parte de la mémoire lorsque l'on s'en rend compte. 

Avant de clore cette chronique je vais vous parler de ce qui pour moi sublime "Playing with fire": la plume de J.L Shen. Fluide et efficace elle nous emporte dans l'histoire en quelques secondes. Les scènes "d'action" font battre le cœur à 100 à l'heure, les scènes romantiques donnent des papillons dans le ventre, les scènes "famille" bouleversent, les scènes "hot" font frémir. Les dialogues et monologues intérieurs sont géniaux. Les joutes verbales entre Grace et West sont jubilatoires. Ils donnent le rythme et le ton. J'adore! Tout est parfaitement à sa place, on dévore le roman sans s'en rendre compte, puis on le referme... On a un petit moment à vide... Et la vie reprend... Mais pas tout à fait comme avant...

"Playing with fire" est un page turner ultra efficace mais il va au delà de ce qualificatif car il nous confronte et nous fait réfléchir à plusieurs tabous. Ce n'est pas qu'une simple romance entre deux personnages au passé et présent tourmentés. C'est une fenêtre sur l'autre, celui qui est différent, celui qui a vécu des drames, celui qui cherche sa place. L'auteur nous lance des pistes de réflexions, sans jugement, ni parti prit. 


PS: Le titre est tellement bien trouvé. Il résume parfaitement le roman. Tous les aspects du roman. Félicitations à celui qui l'a trouvé que ce soit J.L Shen ou son éditeur.