Un baiser qui palpite là, comme une petite bête de Gilles Paris chez Gallimard

"Je me suis laissée prendre, comme une fille facile." Ainsi parle Iris avant de se donner la mort. C'est un choc pour l'ensemble du lycée mais surtout pour Emma, Tom et leurs amis. Conscients d'avoir mal agi, ils tiennent à mieux comprendre ce qui s'est passé et à défendre la mémoire d'Iris. 

Auteur: Gilles Paris

Editeur: Gallimard

Parution: 09 septembre 2021









Ce roman commence fort, dès le premier chapitre l’un des personnages centraux se suicide. On sait directement pourquoi, les causes de son geste, et c’est dur. Dur car on comprend comment elle en est arrivée à détester la vie au point d’y renoncer. Dur parce que personne n’a rien  vu et que cela nous renvoi à notre propre impuissance.

Gilles Paris nous parle sans détour des dérives de la jeunesse : diffusion d’images privées à caractère sexuelles sur les réseaux sociaux ou snap, les défis dangereux pour prouver qu’on est le meilleur ou juste se sentir vivre (ça existait déjà à mon époque mais j’ai l’impression qu’on est monté d’un niveau sur la dangerosité), la surconsommation d’alcool et de drogues (pas toujours « safe »), la surconsommation des écrans, le narcissisme poussé à son maximum (merci les réseaux), l’impression que gagner de l’argent est simple et que vendre son « cul » n’est pas grave si après on peut s’acheter ceci ou cela, … Bref l’auteur nous peint un panorama plutôt sombre de la jeunesse en 2021. Moi ce qui m’a marqué c’est surtout à quel point il est compliqué d’être un ado ou jeune adulte en 2021. A quel point il semble difficile de se trouver. A quel point le mot « bonheur » ne semble pas faire partie de leur vocabulaire. Sincèrement je suis heureuse d’avoir vécu mes années lycées il y a (très) longtemps. Oui, ces problématiques existaient déjà. Oui il arrivait que l’on se mette en danger et fasse des trucs cons. Mais au final, on pouvait compter les uns sur les autres. Les réseaux sociaux ne pourrissaient pas nos vies. On ne vivait pas pour montrer mais pour ressentir (ou montrer en groupe restreint).

Gilles Paris ne propose pas de réponse ou n’ait pas dans la bien pensance, il nous livre des moments de vie. A nous d’en tire ce que l’on souhaite.

Personnellement, j’en ai fait des conneries dans la vie (ma mère vous sortira « les dossiers » sans soucis), mais quand je vois la jeunesse aujourd’hui j’ai mal pour elle, mais j’ai aussi peur. Ma fille « n’a que » 13 ans et pourtant elle est confrontée à un monde bien plus sombre que le mien. Je vois bien que les expériences se font plus jeunes, que leur monde est angoissant, qu’ils ont besoin de soupapes. Mais quelles solutions ? Bref je pourra disserter 2 jours sur le sujet, revenons au roman.

 J'évoquais un peu plus haut les réseaux sociaux. On le sait tous et l'actualité nous le rappel souvent, les réseaux sociaux peuvent être dangereux. Les suicides suite à du harcèlement sont de plus en plus nombreux, la haine peut s'exprimer sans retenue et anonymement (c'est bien plus facile quand on se cache), les agressions suite à des postes se multiplient, ... Dans "Un baiser qui palpite là, comme une petite bête", ils sont au cœur de l'histoire, la genèse. Ceux par qui les drames arrivent et l'histoire commence. Si on sent rend compte dès le premier chapitre, on s’aperçoit que dans le reste du roman l'auteur avec doigté montre qu'ils s'invitent dans notre vie insidieusement, sournoisement. Et ça c'est un coup de génie car une fois le livre refermé, on voit l'histoire dans son intégralité et on comprend que tout est lié. Tous ont une connexion même infime avec les autres, qu'ils les connaissent ou non. On se dit que dans chaque histoire, on a un rôle. C'est très destabilisant.

Je vais rester sur le thème de la "vision globale". Dans son roman Gille Paris nous montre à travers les yeux de ses personnages qu'il ne faut pas (ou éviter) de juger les gens sans avoir un minimum d'informations (fiables) sur eux. Il nous montre que juger est simple, que la rumeur n'est pas vérité (obligatoirement), qu'elle peut l'être mais partiellement. Il nous montre que si on ne voit pas une vie dans sa globalité, on risque de se tromper sur la personne, voir de lui faire du mal. Je trouve vraiment intéressant que l'auteur mettre cela en avant car j'entends souvent dans le bus "ouais tu as vu elle s'est une p***, elle se tape intel et elle fait ça Si elle fait ça c'est parce que #mettre l'explication que vous voulez#." Déjà un, elle fait ce qu'elle veut tant qu'elle ne met la vie de personne en danger et que les lois sont respectées. Son corps lui appartient. Si elle souhaite sortir avec pleins de personnes c'est son choix. Si elle veut coucher avec ou avoir d'autres pratiques c'est pareil. On ne te demande pas ton avis sur la question. Ensuite les raisons peuvent être multiple. Il peut y avoir effectivement des évènements qui la pousse à agir ainsi, mais il peut aussi ne pas y en avoir. 

Il en est de même avec une personne qui n'aime pas être touchée. La cause peut être une ancienne agression ou une encore d'actualité. Mais aussi tout simplement que la personne n'aime pas les contacts physiques. Ne rangez pas dans des catégories les gens. Laissez les s'exprimer si ils en ressentent le besoin, mais ne les forcez pas, ne les jugez pas. Restez ouvert. Je peux vous assurer que cela peut sauver des vies. (Je suis assistante sociale la bienveillance est (normalement) au cœur de mon métier. Et des ado j'en croise...). 

Bref bienveillance! Bienveillance! Bienveillance!

Un des défauts de ce roman est qu'il est trop "parisien" à mon goût ou "grande ville". Je m'explique. Je ne suis pas sûre que les soirées "orgies" gay soient vraiment courante dans les petites villes, voir les villes de taille moyenne. Il en est de même pour l'accord des sorties très tardives dans des lieux grandioses. J'ai fait des grandes fêtes. J'ai vu des drogues circuler. Mais pas au point où nous le montre l'auteur. Ca, je l'ai vu dans des très grandes villes. Je me dis donc que l'ado l'ambda, qui ne vit pas à Paris, ne va pas forcément se retrouver dans les personnages. Cela va même, pour moi, déservir le roman puisque c'est une sorte "d'éclate totale" qu'offre Gille Paris sur un plateau aux lecteurs. Il donne envie... Comme le fait une série américaine qui nous montre une fête de fraternité. J'avoue que sur ce point je suis mitigée.

La narration est à plusieurs voix. Tous les personnages prennent au moins une fois la parole pour nous dévoilé leur partie des évènements. Même si parfois on s'y perd, je trouve que ce procédé est intéressant car il dévoile toutes les facettes d'une même histoire. On découvre des informations que jamais on aurait pu avoir autrement. 

Bref "Un baiser qui palpite là, comme une petite bête" de Gilles Paris est un très bon roman qui donne à voir une réalité loin d'être rose. Ici on ne cache pas les côtés sombres de la vie. Beaucoup de thèmes sont abordés. Une mine de réflexion pour un ado, un parent, un prof, ... Pour tous.